Disons-le clairement : ce livre n'est pas pour tout le monde. Il est même réservé à un certain public extrêmement averti. Peut-être pas celui auquel vous pensez, mais pour en tirer un certain (plus ou moins grand) plaisir, un niveau minimal est requis.
Nous sommes dans un roman futuriste, transhumaniste, post-humaniste, prospectiviste et j'arrête-là l'inventaire. C'est traité sous un angle hard science (HARD SF, puisque c'est une fiction), c’est-à-dire que tout ce qui est énoncé est issu de spéculations "éminentes" et pourrait réellement se produire.
Cela génère un énorme choc, à la limite du documentaire dans/sur le futur ou de l'essai. En supposant que la singularité soit acceptée comme un possible (déjà survenue, à venir, simple ou multiple).
Détails pour ceux qui n'ont pas quitté la page :
En premier lieu, c'est un pavé de 750 pages qui semblent écrites assez gros mais qui ne défilent pas si vite que cela. En cause, des phrases alambiquées très longues et parfois à plusieurs niveaux, utilisant en outre un vocabulaire non courant (j'y reviendrai). Ce n'est pas la totalité des phrases et il y a des passages qui se lisent très vite et sont plutôt simples, mais ce n'est qu'une infime partie du livre. Et il faut le reconnaître, il y a des phrases qu'il faut relire et certaines qui nous laissent sur notre faim. C'est parfois si abstrait qu'à mon avis seul l'auteur a compris ce qu'il a écrit (et encore, le doute est possible).
Personne ne peut échapper au glossaire de 50 pages qui se répartit entre des mots tirés de l'informatique, de la cosmologie, la physique (quantique, relativiste), des inventions de l'auteur ou de prospectivistes et post-humanistes ou transhumanistes à un stade avancé de décomposition. Cela signifie que lors de notre lecture, toutes les pages ou presque - surtout au début - il y a un mot (signalé par un astérisque) renvoyant au glossaire. Et, bien évidemment, ces mots sont souvent des néologismes ou des composés uniquement utilisés dans des sphères de population très restreintes. Par exemple "exaquops" est l'équivalent du MIPS pour l'informatique quantique. Si vous n'avez jamais entendu parler de MIPS, ce n'est pas grave, mais c'est un des exemples les plus simples ! Etant assez expérimenté après 40 ans d'informatique, j'ai encore découvert beaucoup de choses.
Et ce n'est pas fini, beaucoup de matières y passent. Parmi celles que je n'ai pas citées, il y a en premier lieu l'économie et cela devient compliqué quand elle est mêlée à l'énergie ou l'informatique et qu'une société correspond quasiment à un ensemble de données. La matière prend, elle aussi, une valeur informatique.
La première partie du livre ressemble à un roman cyberpunk ; la deuxième démarre en Space Opera tout à fait renversant. Pour la troisième, je ne vous révèlerai pas grand-chose.
Sachez juste que l'aventure se déroule sur quasiment toutes les décennies de notre siècle et que l'accelerando est exponentiel en ce qui concerne la plupart des technologies.
Chose étrange, il y a quelques évolutions qui vont nettement moins vite que d'autres alors qu'on aurait pu supposer encore plus. Par ailleurs, l'attachement au corps humain est très surprenant. Mais pourquoi pas, nous devons nous laisser mener par l'auteur. Ce n'est pas la pire des choses au milieu de ces révolutions annoncées ! Notamment, les sphères de Dyson (donc le démantèlement de planètes) et l'échelle de Kardachev, avec lesquelles je ne suis pas d'accord, mais je posterai un article à ce sujet.
Pour quiconque recherche une sorte de descriptif de ce que pourrait être l'avenir, c'est un bonheur de découvrir autant de supputations, toutes étayées par des études récentes. A contrario, nous avons l'impression d'entrer dans un traité, une sorte d'état de l'art du futurisme. Il a fallu cinq ans à l'auteur pour réaliser ce livre, je comprends pourquoi.
Cela va loin, très, très loin. A la fin de ce livre, il faut prier pour que la singularité ne soit qu'une lubie de doux dingue. Aucun personnage du livre ne s'est vraiment montré heureux. Nous sommes restés focalisés sur une famille particulière sans réellement nous attarder sur les autres, cela nous laisse un grand malaise. Il manque une réelle histoire, au sens romanesque, et l'on a parfois l'impression qu'il y a des manques, comme des détails avec certaines entités évoluées et des interactions avec elles.
Content de l'avoir lu, indispensable à ma culture car je veux tout savoir et connaître sur ces thèmes.
Comments