Une très belle écriture, fluide et consacrée à la découverte de ce monde bien étrange. On y trouve un système de guildes dont chacune a un rôle dans le cheminement - sur rails - d'une bien mystérieuse ville dont on ne sait d'où elle vient. Le décor est post-apocalyptique et l'on comprend que le monde a été ravagé, que la ville est un écosystème dont l'équilibre est lié à sa position par rapport à un "optimum". Nous découvrons, en même temps que le jeune homme entrant dans les guildes, les secrets et complexités de la vie. L'action ne manque pas et le livre, probablement trop court, se dévore.
Christopher Priest - le monde inverti
Nous ne comprenons pas pourquoi la ville doit courir après son optimum alors que les villages qu'elle croise ne sont pas soumis à cette règle et bien d'autres. La créativité est très forte et je vous laisse le plaisir de découvrir toutes les particularités de ce monde. Et aussi quelques frustrations car l'auteur n'a pas intérêt à nous en expliquer trop ni à faire parler les personnages qui pourraient nous éclairer.
C'est à la moitié que tout dérape, la narration change et n'est d'ailleurs plus à la première personne, celle du jeune apprenti qui prend du galon. Distorsion est le mot le plus juste pour résumer tout ce qu'il se passe ensuite.
La narration revient à la première personne de l'auteur pour le final et là c'est le drame ! L'explication ne convainc pas.
Ou plutôt le subjectif prend le dessus et nous force à accepter, comme notre héros, que l'impossible s'est mis en œuvre.
Tout ceci s'illustre avec la rencontre d'une chercheuse, avec qui le dialogue a du mal à s'établir alors que le héros et elle auraient pu creuser tant de sujets.
Bien plus que d'offrir un parcours initiatique du héros et de ceux qu'il croise, nous sommes dans une histoire sur la subjectivité, où la perception différenciée des uns et des autres est interrogée, interpellée. Comme si nous devions tous remettre en cause nos certitudes et réviser la réalité pour tenir compte de la vision des autres. Pas forcément l'accepter car nous sommes attachés à des racines.
Cela prend un tel sens pour nous à l'époque des réseaux sociaux, du complotisme exacerbé, du dilemme de la rébellion ou l'acceptation du système !
Une très bonne lecture qui finit par nous troubler avec l'obligation d'accepter l'inacceptable : la perception n'est pas la réalité.
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